C'est un soir comme un autre. 19h, je me rends tranquillement à pied au métro. Fatiguée de ma journée, mais sereine. En traversant, je le vois, un peu plus loin, avec son regard de fou. Pourtant, je le croise souvent, ce SDF qui fait la manche à la sortie du métro, mais je n'y habitue pas. Jamais rassurée. Il faut dire que je l'ai si souvent entendu hurler des phrases vides de sens, haineuses, aux gens qui l'avaient regardé d'un peu trop près que je me méfie.

Cette fois, je négocie un habile contournement, en le surveillant du coin de l'œil. Il a les bras le long du corps, et regarde un autre passant. Il a l'air bizarre. Je le dépasse. Rien ne se passe. Ouf. Je respire. mais alors que je me sens à nouveau en sécurité, absorbée dans mes pensées, je sens une pression violente dans mon dos, suivie d'une douleur perçante. Je m'arrete net, sans comprendre et, le souffle court, j'essaie de reprendre ma respiration. Mes jambes ne semblent plus me porter. J'entends un grand rire et, alors que je tombe comme au ralenti, un cri résonne. J'ai l'impression d'être engloutie par un chamallow géant.

Je me réveille la bouche cotonneuse, une barre traverse mon front, et j'ai dû mal à revenir à la réalité. Face à moi, une femme, pompier. Qui me demande si ça va. Je suis allongée sur le côté et au moment où j'essaie de me redresser, une douleur fulgurante de mon dos me terrasse à nouveau. Elle m'ordonne de ne plus bouger. Derrière elle, je vois l'homme, assis, un policier l'interrogeant. Les bras ballants.  Les yeux dans le vague, avec son regard de fou. J'étais tellement occupée à éviter de le regarder dans les yeux que je n'ai pas vu le couteau. Je ne l'ai plus jamais vu. Je pense souvent à lui, avec la pluie. Je me demande où il est. Il me hante encore, l'homme aux yeux de fou.

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