carapace

Longtemps, j'ai essayé de ne pas m'impliquer, de ne pas m'en mêler. L'histoire, même si elle me touchait, ne me regardait pas. Ce n'était ni à moi d'essayer de la régler, ni à moi de jouer l'arbitre. J'ai été là, pour toutes les deux. Ma mère, ma grand mère. J'ai essayé juste de calmer les esprits. Je suis du genre pacifiste. Maintenant, je me dis que j'aurais dû bouger. Ne pas laisser croire que j'approuvais, que j'étais d'accord, que je pardonnais. J'aurais dû secouer  la mère de ma mère, lui ouvrir les yeux, les bloquer avec des allumettes magiques qui lui auraient permis de réaliser. Mais non. Elle n'a pas tort. Elle n'a rien à se reprocher. Tout est de la faute de l'autre. Là encore, au lieu de la prendre par les épaules et de lui faire entrer dans le crâne un peu de raison, je n'ai rien dit. J'ai tenté timidement de la raisonner, puis j'ai battu en retraite. Je ne pensais pas que j'aurais pu dire quoi que ce soit qui change la donne. J'ai tenté une approche tranversale, par mon oncle. L'histoire avait déjà commencé à dégénérer. Et lui, qui voyait là l'occasion tant attendu d'être enfin le chevalier servant de sa mère, après toutes ces années de lâcheté, de profit, il avait déjà distillé son venin.

Samedi, ma grand mère m'a dit des choses impardonnables au téléphone. Mon oncle, derrière elle, l'encourageait avec véhémence. Je n'ai rien compris. Je n'avais rien fait. J'ai juste eu le malheur d'être là, au téléphone, au mauvais moment. Tombant certainement en pleine séance de bourrage de crâne. Là encore, le soir, en allant voir ma grand-mère, je n'ai même pas su quoi lui dire. Je voulais mes explications, j'étais assurée. Et je l'ai vue, vieillie, triste, et comme toujours s'apitoyant sur son sort, reportant tous ces maux contre ma mère et mon père. Car bien entendu, c'est leur faute. A eux. Pas une seule fois, lorsque je lui ai demandé des explications sur son accès de rage contre moi elle n'a eu de mots d'excuses. Elle n'a tenté d'expliquer. Tout est normal. « Et je ne viendrai pas à ton mariage. »
Alors pourquoi, au lieu de partir, au lieu de lui cracher son égoisme, son auto-apitoiement constant je me suis contentée de lui faire la bise et de partir ?

A force de me carapaçonner, je me coupe du réel. Je ne le percute qu'après. Je n'ai plus d'à propos. Je n'ai plus que mes mots.

 

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